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Ecritures en patchwork
 
 

 

 

« Des écritures en Patchwork »

Textes de  Marcel ALOCCO  parus de 1965 à 1985
 en divers périodiques ou catalogues

Publiés en recueil par les « Z’Editons »  d’Alain Amiel, à Nice en 1987

 

11. A propos de l’exposition :
« De l’unité à la détérioration »
[Alocco, Bioulès, Buren, Cane, Charvolen, Dezeuze, Dolla,
Mosset, Osti, Parmentier, Pincemin, Saytour, Toroni, Viallat]

 

Mon intention, en commençant à peindre, était de faire que le soleil soit bleu et au zénith vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Mais le désir d’un individu ne devient une réalité pour les autres qu’en devenant évident ; sans quoi il n’est que l’expression, en vingt tonnes de littérature et des heures d’interviews télé-radiophoniques d’un désir non réalisé.
Buren montrait à la Biennale de Paris (1967) une toile portant des bandes verticales, alternées blanches et vertes. C’est une réalité. Les papiers qu’il colle sur les murs, à l’extérieur des manifestations (mais à l’occasion des…) également. Le reste est littérature : intéressante, je le concède, mais qui ne change rien au fait, et pourrait à la limite se défendre aussi bien à propos des affiches pour Air France, lesquelles seraient de Mathieu au lieu d’être des rayures de Buren : la phrase délicieusement absurde de Ben « l’art anonyme de Buren » en dit long sur la fracture qui sépare le désir du réalisé.
Mon soleil n’est toujours pas bleu, ni au zénith toujours. C’est à mes yeux le mérite de Parmentier de n’avoir pas accepté que le fait soit donné pour autre chose que le fait par l’emballage des mots qui lui seraient juxtaposés.
J’ai entendu dire que le travail de Mosset révélait son narcissisme, celui de Buren exprimait la virilité, celui de Saytour était d’un maniaque, le mien d’ »un obsédé sexuel, celui de Viallat décelait un émiettement de la personnalité etc. Ce ne sont là qu’interprétations, mais fondées sur le fait, donc légitimes dans leur principe, même si la conclusion est grossière ou erronée. Devant un objet existant, (ou ayant existé) – renié ou pas ne change rien à ce qu’il a été ou est– chacun est libre d’interpréter mais non d’imposer son interprétation ; l’auteur lui-même ne peut imposer que l’évidence faite, non ce qu’il en faut penser. Que Mosset et Flynt soient voisins de pensée, c’est possible : l’ennui est que ce qu’ils ont fait n’a aucun rapport.
Art, anti-art, non-art ne sont que des mots. On donne quelque-chose, c’est interprétable et c’est l’expression-ART. Ou on ne donne rien… et c’est… rien. Et Monsieur Buren est le plus connu des anonymes, qui hélas n’a pas eu la chance de s’appeler Dupont.
Pour en terminer, cet exempel éclairant : on m’a dit pourquoi pas Arman, warhol, Soto… C’est simple : parce que non seulement leurs intentions n’étaient pas les mêmes, mais surtout en voyant leurs œuvres il est évident qu’elles ne l’étaient pas : il y a l’objet relais sociologique, l’image populaire esthétisée, ou l’effet optique… toutes préoccupations absentes de fait parmi ces quatorze, qui sont peut-être vingt ou davantage… Mais on ne peut parler que de ceux dont on connaît soi-même l’existence…
Polycopie de la galerie Ben Doute de Tout (Février 1970)

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