Alocco.com

 
 

 

 

2001

 

 

42.

 

Pêle-Mêle.

(M. Winckler, J-M Levy-Leblond, Sophie Braganti)

 

            Ça se soigne... Sont malades. Graphomaniaques. Au prétexte de s’exprimer, ils alignent sur les murs différents noms et sigles d’un même graphisme, superposables. Culte inconscient de l’uniforme et du grégaire ? Allez ! bientôt vont nous défiler dans les rues au pas pour réclamer le rétablissement du service militaire... Tant pis. Passons aux graphopapiers.

            Paraît ce mars ( L’Amourier, 06 Coaraze) le premier-dernier Martin Winckler. Premier écrit, dernier publié. « Le Mystère Marcoeur ». Un graphomaniaque expérimente à vie (très accro !) l’écriture en continu sur supports variés : cahiers, cahiers, encore cahiers et en manque grave, table de bistro, paume de la main, ticket de bus, n ’importe quoi, et qui sait, qui sait, les draps de lit, la douce blanche peau de sa copine...

            Quel écrivain n’a pas un jour au moins en quelques lignes écrit sur l’écriture ? Une note marginale sur un manuscrit, une phrase ou une page au détour d’un roman, d’une méditation sur sa place dans le monde, ou d’un article plus savant qui vous pose son homme... Finalement, le thème de l’écriture est devenu pour l’écrivain actuel d’une grande banalité. Le récit de Winckler sort en ceci de l’ordinaire que riche de « science fiction », dans le sens d’un savoir réel du fictif, d’un imaginaire constructif qui met en travail des questions sérieuses dans un abord ludique, il ne se prive pas d’être discrètement savant mais varié, drôle, rapide, imaginatif, et qu’il fait de l’écriture, de l’écrivain, de la lecture, du livre, un héros démultiplié de son ouvrage qu’à lire nous sommes amusés, curieux, captivés, enrichis. ( Notez : Martin Winckler, qui est médecin, dira peut-être si ça se soigne aux étudiants de Lettres et de Médecine qu’il rencontrera en fac... des Sciences, Valrose, Cafétéria, mardi 19 mars à 18 heures)

            Un autre graphograve : Jean-Marc Levy-Leblond. Il y avait la science, mal assurée, établie à petits pas, reculs, avancées, réflexions et discussions... Sont venus les imprécateurs, les assureurs de certitudes, qui décident du sens avant d’en avoir fait l’examen. Retour paradoxal des contestataires à l’argument d’autorité. Aristote ou machin l’a dit, donc c’est vrai. J’entends sur Inter que le père compétent par formation et métier se fait, sur son travail, traiter de sot, ou quelque chose d’équivalent, par le fils de même prénom. (Sont senior, junior, à l’américaine..). En scientifique, le père se pose la question. En politique, le fils affirme que lui a raison parce que... il a raison. Levy-Leblond prétend de sa plume (ou d’un emploi très réduit du traitement de texte d’un très performant ordinateur) mettre science et technique à la raison. Est-ce bien raisonnable ? Il est, encore, de cette génération pour laquelle existait dans les sciences un principe d’incertitude. (De celui qui ne doute jamais, je doute) Ses « Impasciences » (Bayard éditions) bien que conjuguées à celles de Galilée, Poincaré, Einstein, Rotblut... seront je crois de peu d’effets, même avec le soutien du considérable épistémologiste Pierre Dac. Les technosciences classeront ce livre dans la case « risques naturels ». Mais qui sait ? Si une page tournée produisait un « effet papillon » ? Ouragan prévisible sur les sciences du 21 ième siècle ?

            Encore une malade. Le récit « Sylvia Baci » de Sophie Braganti (L’Amourier) raconte une petite histoire, banale. Une enfant transplantée de la gadoue italienne à la gadoue niçarde et qui (j’aurais pu témoigner ce cas) passée par la faculté des lettres instrumente le français comme langue créatrice. Nous ne trempons pas la madeleine dans le tilleul, ici c’est la tartine dans le bol de café au lait du quatre heures. A l’examen, avoir marché sur la Lune n’est sans doute pas un choc culturel aussi important. De quoi faire réfléchir (mais lisent-ils ?) les naïfs qui voudraient nous faire mettre les deux pieds dans le même sabot. Nous vivons et fonctionnons sans doute dans une (une seule) culture. L’autre, féconde, est toujours quittée ou conquise, jamais vraiment vécue : cicatrice riche, j’en conviens, mais cicatrice sensible...

            Pour finir, avis à tous les graphomalades : cette année le Printemps des Poètes est fixé du 26 mars au 1er avril. Ce que j’en pense ? J’en pense surtout 1er avril.

 

La Strada n°23, avril 2001

 

 

43.

Pêle-Mêle (2)

Les nombrils s’affichent

(Villa Arson. Christine Angot. Ben. Catherine Millet et Jacques Henric.)

 

            Oui, encore un pêle-mêle. En français on dit aussi mélanges. En littéraire on prononce miscellanées, ça fait cultivé. Et pour tout dire, la solution est bonne d’éviter le travail des transitions. Coq à l’âne autorisé. Aujourd’hui plutôt ânes que coqs ? On verra bien.

            Visite à la Villa-Arson. On s’y ennuie convenablement. Technique pauvre, idées limitées à petits trucs. Sergio Leone, avec la scène du duel de « Il était une fois dans l’Ouest » tire son épingle du jeu. Fera son chemin, celui-ci. Son assistant projectionniste n’a pas à se casser trop la tête, l’œil du maître pense pour lui. Jeunes gens qui avez raté l’entrée de la FEMIS, ne vous suicidez plus. Dites-vous plasticiens et « exposez » à la Villa Arson, son annexe.

            Tu as écrit de longs articles pour Y. Klein, pour Rotella, pour Arman. Pourquoi pas sur Ben au Mamac ? me dit-on. Après ce qu’il a écrit lui-même, de lui-même, sur lui-même, que voudriez-vous que j’écrive ? La description d’un miroir ?

            Les nombrils s’affichent. Une amie qui me veut du bien me prête des livres de Christine Angot. J’écrivais dans La Strada (peut-être en ce temps encore InterVista) à propos de la mode des écrivains qui s’autoproclament subversifs ou révolutionnaires. Aurait été un exemple type, cette Madame Angot, qui se voit sous un bon profil. D’abord ça ne manque pas de tripe, l’écriture accroche. Puis au fil des textes à parutions rapprochées (il faut « tenir » le public), l’écriture se relâche, la répétition des thèmes et formes, voire des paragraphes, s’institue moyen. Guy Debord aurait pu citer ces productions en parfaits modèles pour illustrer la société du spectacle : Regarde mon nombril, tu vas en voir encore et davantage, j’enlève le haut, j’enlève le bas (de dos ?). Tout un bouquin pour le portrait d’un ex en parfait connard, type la groupie du chanteur rock, tu vois ? On nous dit jouer Zola, mais c’est davantage Princesse de Clèves que Nana. Littérature Séguéla. Boff! Elle ne l’a pas inventée. « Rien n’est érotique », dit-elle. Doit bien s’ennuyer dans la vie ! On comprend qu’elle compense en se regardant vivre dans son écriture. Je ne vous donne pas ses titres et éditeurs, vous la trouverez rayon papiers imprimés : tu l’as voulue, tu l’as eue, ta tête de gondole. Va être très dur de vieillir, Christine. « Il y a des choses, quand on écrit, que l’on ne peut pas écrire. » Vrai, madame. Mais encore un effort. On peut s’apprendre à l’écrire. Qui sait, va peut-être finir par avoir vraiment du talent... Elle en perdrait quelques lecteurs, peut-être ? « Les cons cherchent la vérité flatteuse », qu’elle dit. Pas ici que tu la trouveras.

            Le « ça » est mode. Comme C. Angot, mais autrement, Catherine M. en cause, un livre, illustrations par Jacques Henric, un autre livre, en contrepoint. Ben va aimer. Pivot qui s’amuse, photos dans Le Monde (qui fait très culs, ces semaines... Catherine Millet-Christine Angot-Annie Ernaux, la vieille maison en tremble !) Annie Ernaux, c’est un autre discours : si vous êtes sot, inculte et soviétique, vous pouvez quand même être l’objet d’une grande passion. Après quoi j’aurais pu avoir le moral, mais hélas je ne suis pas soviétique. Peu importe. Le « ça », nous n’avons pas fini d’en parler et d’en entendre parler. (Sigmund Freud).

                Nota au metteur en page* : Sigmund Freud pas en signature, pas l’auteur de ce billet. Hélas pour La Strada, il ne répond plus aux demandes de collaboration. Nous aurions aimé, – n’est-ce pas Michel Sajn ? – le voir figurer dans notre OURS. Belle ménagerie que vous auriez eue là, M. le Directeur !

 

La Strada n°24, mai 2001

 

*Dans La Strada, la note au metteur en page n’a pas été publiée !

 

 

 

 

44.

 

 

Pêle-Mêle (3)

(Roland C. Wagner, Françoise Laurent, Toons et pas Loft Story)

 

 

            Dans le dernier numéro de La Strada, celui de mai (fait ce qu’il te plaît), je tombe sur quatre paires de fesses et un titre : Entre chienne et louve. Bien qu’en la circonstance le singulier m’intrigue, je reconnais. Pas les fesses... Quoique... Elles se ressemblent tellement ! Le titre. J’ai déjà vu. Le titre, je vous dis.

            A propos, "Toons", vous connaissez ? Paru il y a un an, dans la collection Fleuve Noir. Le hasard met entre mes mains et sous mes yeux ce livre d’un certain Roland C. Wagner (Pas le copain de celui de Pom-Pom-Pom Pom... ). Et moi qu’en général la fiction agace, je me suis bien amusé. C’est décontracté et virtuel, et depuis cette lecture je guette si dans la rue je ne croise pas un personnage de Tex Avery ou de Max et Dave Fleisher, Betty Boop par exemple, ou le loup, Hou ! Sérieux. Je vous assure que c’est possible. "Toons", c’est écrit dessus, est le cinquième volume d’une série intitulée : "Les Futurs Mystères de Paris". Je n’invente rien, il vous suffit de glisser dans un univers parallèle par la fente d’une  ligne de fracture, à cause du Faisceau chromatique. Vous pouvez y passer l’été...

            Mais ça m’obsède. Pas les paires de fesses, le titre. Formule magique : Miroir, mon beau miroir ! Je clique sur Recherche et miracle ! Je trouve. Un petit compte rendu de "Entre chienne et louve", écrit pour la revue marseillaise Al Dante, inédit à cause des vacances ou de la disparition de la revue, me souviens plus, excusez-moi, il y a quatre ou cinq ans...

 

"Entre chienne et louve"

            "Quelque chose dans le ventre" (Côté-femmes, éditeur, Paris 1991) était un récit, et il ne cachait guère que son propos était autobiographique. Avec "Entre chienne et louve", Françoise Laurent aborde le roman : au prétexte de restituer l’image d’une tante Amélie à peine connue, la thématique ne varie guère : on y retrouve du précédent ouvrage le nœud de vipères familial, la jeune fille qui se débat (bien qu’en un autre temps) avec son devenir de femme, la femme qui tente avec et malgré ses cicatrices de s’établir dans une vie possible. Même écriture fragile, jouant avec efficacité souvent du langage courant, des expressions usuelles, de l’insolite d’un dire banal accumulé, pour rendre avec brutalité des situations violentes dans une évidence douloureuse des sentiments contradictoires que tissent amour, humiliation, blessures, sourire et haine. Un écrivain s’est construit qui réussit assez bien son projet de fiction : " Une lettre à personne pour me convaincre d’avoir réellement existé". "Entre chienne et louve" de  Françoise Laurent, (Les éditions du Ricochet, Nice, 1996).

            Depuis il y a eu de la même auteur, entre autres publications,"Les dunes au clair de lune", (éditions Baleine-Le Seuil, 1999).

            Je voulais vous parler de Loft Story, mais comme personne n’en parle, je vais pas vous"infoxiquer". Désinfoxiquez-vous, lisez de la fiction. La vraie vérité, la Vérité est dans la fiction, pas dans la réalité télévisualisée. Lisez La Strada, organe de la Désinfoxication... Et alors, j’ai bien le droit de rêver ? « Ce n’est qu’un début. Continuons... »

La Strada n°25 juin 2001

 

 

 

45.

        

Pêle-Mêle (4)

(Art-Jonction, Coréens à Carros, Galerie Quadrige, Anne Gérard, et encore Arman)

 

            A la naissance le bébé provincial était assez joli. La dernière année d’exil passée à Cannes donnait de l’espoir sur son devenir, même si l’enfant souffrait de solitude.  De retour à Nice, âge ingrat, anorexie, sous perfusion ? Grand air au port, jardin, cahin-caha il paraît se remettre. Pré-ado, il a encore à 15 ans des aspects présentables, avec des stands perso d’œuvres de Rodchenko (Galerie Howard Schickler, New York) Raysse (Studio Simonis, Paris) Corneille (Gal. San Carlo, Milan) Molinier (A l’enseigne des Oudin, Paris), les ensembles de la Galerie Vigna, de l’Education, et puis la prolifération en tous points variée des stands Art 7. Mais qu’il est maigre et morne ! Ce qui n’a pas empêché les Niçois de terminer entre eux le dernier (et ultime ?) Art-Jonction, de faire la fête entre niçois en se donnant les différents prix, contents, inconscients, et quoi... ? Docteur, vous le sauvez ou vous signez l’acte de décès ?

             Seize artistes coréens de Pusan exposent au CIAC, château de Carros. Il faut espérer que la confrontation à d’autres productions ouvrira des horizons à ces plasticiens dont l’ensemble, autant qu’il soit possible de juger sur un échantillon assez réduit, est gentiment provincial. Il y a quelques amorces intéressantes chez Kim jung-myung qui dramatise d’une ligne jaune un choix d’images malheureusement affaiblies par la dorure des encadrements. Avec des fragments de corps répétés, Park eun-kuk à le sens de la mise en scène. Les montages-peintures, de Ha Eui-Soo, sur le thème de la chaise donnent à l’objet et à la couleur une présence. Tous un peu trop proprets, petits formats qui tournent le propos en objet déco. On peut aimer la déco.

            Cette année elle a présenté entre autres Paolo Frascati, Toos Van Holstein, Toshinori Nakaya (à Saint-Jeannet) et actuellement Uno Svensson. Quadrige: la galerie (21 rue de France) dont il est de bon ton de ne pas parler, semble-t-il. Sans doute parce qu’en ces temps de bouts de ficelles et de vidéo, elle n’a pas trop joué à faire tourner en rond son bateau dans la fontaine et n’a jamais désespéré de la peinture, même si elle l’était quelquefois ici aussi, désespérante. Avec plus ou moins de bonheur, elle a tracé son sillon. A-t-elle commis plus d’erreurs que celles qui convenues ou celles qui rien du tout ? On comptait sur les doigts les galeries vivantes, une seule main suffit aujourd’hui, et on craint l’amputation. Parmi celles qui persistent, voir à la Galerie Alain Couturier (9 rue Saint François de Paule) « La stratégie du Fantôme » d’Anne Gérard, exposition encore une fois étrange de cette artiste, héritière de Fluxus par le bon côté, exposition qu’aurait aimé Georges Brecht.

            Enfin et encore Arman. Après "La traversée des objets" récente au Château Villeneuve de Vence (Cf. La Strada n°18 d’octobre 2000) "Arman, passage à l’acte", au MAMAC, jusqu’au 14 octobre. Un bon regard rétrospectif qui ici prend son espace. On aurait aimé encore davantage, mais on n’est jamais content. La première période des cachets, qu’on voit très peu d’ordinaire, y est magnifiquement représentée. Le reste, plus connu, suffisamment présent pour suivre la démarche. Une occasion à ne pas rater pour une vision d’ensemble d’un des artistes les plus représentatifs de la seconde moitié du vingtième siècle. On s’offre une accumulation ? : Arman, ARMAN, Arman ! Arman ? Arman. Arman, ARMAN, Arman. Arman : Arman !

AAAAAA RRRRRRR MMMMM AAAAA NNNNN.....!!!!!!!!!....................!!

 

La Strada n° 26, juillet 2001

 

 

 

46.

 

Pêle-Mêle (5)

 

Maurice Fréchuret, Constant, la glorieuse incertitude du sport,  Raymond Chandler, Boris Vian, Amélie Nothomb.

 

            Maurice Fréchuret quitte, pour Bordeaux, le Musée Picasso d’Antibes sur une belle rétrospective Constant. Pas les grands moyens de la fondation Maeght pour la grande et sans surprise exposition Kandisky montrée cet été, mais toutes les expositions présentées par M. Fréchuret faisaient intelligemment problème, remettant notre vision en question à propos de travaux de bon niveau. Avec Constant, toute la « figuration libre » est déjà présente quand ses illustrateurs étaient encore au biberon. Quelques belles réussites où la simplicité des moyens sont d’une évidence confondante. Un soleil sorti en trois traits directement d’un tube envahit tout l’espace. De quoi faire réfléchir et conforter les quelques égarés qui à la Villa Arson s’intéresseraient, malgré tout et tous, à la peinture.

            Disponibilité des vacances : j’erre dans les journaux, distraction pleine d’enseignements. Je découvre qu’une athlète russe contrôlée à la dope peut encore courir, parce que prise qu’une fois, et gagner l’épreuve qui la fait championne du monde. Tant pis pour les rivales qui n’avaient pas pris leurs doses. Un athlète québécois, qui au départ n’avait que le dixième temps, est médaille de bronze aux Jeux d’été du Canada : de joie, il se déculotte brièvement, montrant son postérieur à ses concurrents. La fédération, qui je suppose ne prend pas ses vacances au Cap d’Agde, l’a disqualifié. Ce que les journalistes appellent, je crois, la glorieuse incertitude du sport. Nouveau cours d’éthique pour les entraîneurs, à l’usage des jeunes sportifs : vous pouvez vous droguer, mais ne montrez pas vos fesses. On a les valeurs qu’on mérite.

            Prétexte vacances, et le hasard d’un vieux livre contenant trois titres de George Chandler, je lis (ou relis? Vagues souvenirs...) « Le grand sommeil ». Traduit de l’américain par Boris Vian. Etrange, je le lis autrement, me demandant parfois à qui appartient l’humour qui sous-tend le récit. Vian ou Chandler ? Aux deux sans doute. Les trouvailles du traducteur aident, bien sûr, mais les deux autres romans sont aussi semés de remarques drôles, avec quelques phrases totalement surréalistes qui font le charme des histoires (peut-être un peu désuètes) de Phil Marlowe, ce « privé » trop honnête qui résout au nez des flics ses enquêtes avec la conviction d’un loser trop intelligent. Trop sentimental aussi, Marlowe, qui rate tous les bons coups : en trois romans pas une coucherie, même si sa magnifique cliente l’attend chez lui, nue dans son lit. Ouais ! tu m’étonnes mec... Je sais, c’est d’un ringard !

            Prétexte vacances, j’apprends le vocabulaire: Un minot parle de « chatter ».  J’aurais imaginé... Mais non. Si la Mère Michel a perdu son chat, pensez qu’elle a un problème avec son ordinateur. Elle crie encore par la fenêtre, mais moins loin. Peut plus « chatter ». N’a finalement que perdu la tchatche, quoi. On croit innover, et on retrouve le vieux français.

            Autre lecture : « Métaphysique des tubes », d’Amélie Nothomb. (Pas encore lu le dernier, « Cosmétique de l’ennemi » que J-L Ezine démolit dans le Nouvel’obs du 23 août.) Un presque beau livre celui-ci, dommage, un peu vite écrit peut-être ? Cette écriture pas assez méditée à laquelle oblige la livraison annuelle. Dix romans en dix ans. C’est le système, aujourd’hui. A trente ans, ils alignent plus de bouquins que les œuvres de Flaubert, Stendhal et Camus réunis. Pas pris le temps de nourrir et d’épaissir le texte. Et puis m’agacent, ces écrivains qui font les érudits. Cette-ci là, c’est avec le japonais, et elle dit nippon. Elle veut bien nous traduire tasuke: au secours. Et aussi « Carpe diem », qu’en lecteur de V. Hugo, merci, je connais, bien que ce soit du latin, que j’ignore, comme le japonais. Mais « Sic transit tubi gloria », pas mèche. J’imagine que « la gloire passe à plein tube »? Et que je vous écris mushiatsui, geta, seppuku, miso, carwash (? ! du japonais ça !?) sensei, chawan mushi. L’aurait dit en Haut-Tchétchène ou en Bas-Congo, je traduisais, comme vous, en direct, sans dico. Traduit pas non plus « Anch’io sono pittore », que j’ai prononcé bien avant sa naissance, car je suis peintre moi aussi. Hé ! La Mélie ! La culture, ce n’est plus aujourd’hui de réciter tous les clichés classiques qui font reconnaissance entre gens du monde. C’est simplement avoir quelques instruments conceptuels, quelques mots pour tenter de comprendre le monde tel qu’il est, un peu - modestement. Aussi, ce n’est jamais fini. Ce n’est qu’un début, continuons...

La Strada n°27 octobre 2001

 

 

 

47.

 

 

Pêle-Mêle (6)

J’entends...  « Où est le bec ? »

 

 

            Vu à la télé. Le Houellebecq de la pub. Le Michel. Chez Guillaume Durand. Les yeux dans le vague, sa déclaration la plus fracassante extirpée au tire-bouchon : « Heu... Je suis d’accord avec ce que vous dites... ». Pas de pensée. Faudrait pour cela émettre au moins une idée. Une, même petite. Mais rien. Et à plat ventre devant les 350.000 exemplaires vendus, des soi-disant « critiques » qui le sont si peu que tous terminent leur plat ou fantasmatique vide discours d’un « C’est un grand livre », ou encore  « Le premier livre qui... ». Même celui qui fait pourtant d’énormes réserves. Mal écrit, mal composé, propos de comptoir du Café du commerce (mais « les brèves » sont beaucoup plus drôles et instructives) : difficile pour le vrai lecteur de ne pas abandonner en route... Me tombent des mains ces ouvrages. Sur la centaine de bouquins que bon an mal an je lis, à peine s’il en est trois que je ne parviens pas à terminer : on ne sait jamais, si par hasard la dernière page... Je suis un optimiste, moi. Mais là, vraiment ! J’avais lu entièrement, sans sauter une ligne, « Les particules élémentaires». (A travers Lacan, curieux, on pouvait entendre : « les parties-culs et les menteurs » de « où est le bec ») Ouais, ouais. J’ai du mérite, comme disait mon oncle.

            Dans le Dimanche magazine (Nice Matin du 9 septembre) trois quarts de page pour le sombre monsieur. Jacques Gantié, consterné, expose « bafouillage » et « morne plaine », que c’est, dit-il, « beaucoup de bruit pour rien ». Allons, faut pas se laisser désespérer ! Promis, à l’occasion nous boirons, bons pour le moral, un verre de Bellet ou de Saint-Jeannet à nos santés.

            Georges Bertolino devra lui me payer un verre si nous nous rencontrons et s’il veut que je lui pardonne ses inqualifiables propos : « Voyages orgasmisés » qu’il titre. Ceux que la Houellebecq attitude fait bander, garanti, leur priapisme ne doit rien au texte. N’auront pas besoin de Viagra pour encore longtemps. Qu’ils prennent un calmant et consultent. C’est grave mais ça se soigne, paraît-il. L’article « orgasmisé » est pourtant très mesuré, jusqu’au... dérapage : Non, mais ! se permettre, je ne dirais pas de comparer ce fabricant de gadget éditorial,  même en le minorant, mais de le rapprocher de Céline, Céline cette fripouille (hélas, hélas) géniale (hélas ! Encore hélas !) ou de Perec, sympathique ludique acrobate au regard perforant, non, mais... Lisez à la suite une page de chacun des trois, et vous verrez la différence comme dit la lessive.

            Oui, allez chez votre libraire, lisez une page au hasard de « Plateforme » ( Plate-forme ? aime les jeux de mots, cet homme ?) Pensez à cette petite forêt coupée pour le papier des 500.000 gros exemplaires prévisibles, et au charmant petit ruisseau pollué... Attention de ne pas vomir sur le livre, vous seriez obligé par courtoisie de l’acheter. Mieux vaut jeter ses 131 F 20 (Prix étrange : ça doit faire un chiffre rond en Euro, non ?) dans la première poubelle venue, ou mieux les donner à Amnisty International qui nous protégera des tortionnaires prévus. Dire que ces derniers mois j’ai râlé après les Marie Darrieussecq,  Amélie Nothomb,  Françoise Laurent,  Christine Angot, Catherine M.(illet) et fait des réserves sur leurs livres plus que lisibles ! Tu vires macho, Marcel ? Il sera beaucoup pardonné à G. Bertolino qui a, lui, fait remarquer que « les sujets tabous, en France du moins, les auteurs-femmes paraissaient seules vraiment les conjuguer à la première personne du singulier ». Nous boirons donc le verre de l’amitié... et avec elles, si ELLES le veulent !... Continuons le combat, mes sœurs !

            [ P-S : Je terminais ici cet article début septembre, accordant à ce débat quelque intérêt, le traitant d’humour à défaut d’amour. Depuis, il y a eu le septembre noir de N.Y. et de Toulouse. Ceux pour qui le tourisme sexuel et sa littéraire vulgarisation bénéfique étaient significatifs de la mondialisation l’ont eu dans le... disjoncteur. Michel et les autres, le doigt dans l’œil jusqu’à l’épaule. Si vous voulez jouer aux grands penseurs philosophico-géo-politicards, faudra trouver autre chose. Ce qui n’empêche, mes sœurs : Continuons... ]

La Strada n° 27, octobre 2001

 

 

 

48.

 

Pêle-Mêle (7)

         J’entends... « c’est... honnête ».

 

            Je reçoit (sic) « La chambre obscure » Ed. Gallimard, avec dédicace : « en compagnonnage de pastrouil ». Ce niçois exilé que je ne connais pas, Michel Séonnet, connaîtrait donc ma « Promenade niçoise » ?  Je suis flatté, on a sa petite vanité d’auteur, mais oui. Car enfin, toutes proportions gardées, c’est comme si le TGV saluait le train des pignes, vous savez teuf-teuf, je grimpe mais haletant... Sauf que tout de même, la différence d’âges n’est pas aussi considérable qu’entre les deux trains. « A locomotive », disaient jadis les théâtreux dont je gérais l’association, et depuis j’ai la comparaison ferroviaire.  Pastrouil ? C’est vite dit. C’est du plus sérieux, ici, venu du 5 rue Sébastien Bottin, adresse qui tout un siècle fit rêver les jeunes écrivains, même si dans le texte on est dans la plus accessible niçoise rue Saint François de Paule, avec notre Opéra, notre église des dominicains, notre hôtel Beau Rivage, notre marché aux fleurs, et notre mythique château, que, en lisant « je monte au château » les lecteurs étrangers (venus au moins de l’autre côté du Var) doivent se dire « Qu’es acco ? cétyhoù? » (mais en français bien entendu), puisqu’il n’existe plus depuis trois siècles, lou Castéou.

            Il y a la chambre obscure où un enfant agonise ou pas, c’est la question : « Est-ce qu’il est mort ? » demande le père chaque soir en rentrant. Et la mer et la lumière dehors, et l’actualité de ce février, avec le Carnaval, les dominicains que le problème des prêtres ouvriers disperse, celui qui pendant la guerre était dans l’autre camp, un ou deux grands-pères, un ou deux fils ou petits-fils, on perd un peu pied dans le temps, l’infirmière et son fils à venir ou qui chante, ou qui meurt, l’Indochine, la micheline qui en suivant la vallée monte vers les cimenteries de Contes (j’imagine), Laghet et Sainte Rita et les ex-voto, et puis Cimiez, et surtout les corps vivants, les seins des modèles d’un vieux Matisse qui rayonne, et dont « Le platane » à l’écorce ou peau jaune illumine l’obscurité de la chambre. Un peu confus ? Avec de beaux éclats, une écriture parfois... Michel Séonnet sait écrire. Mais c’est à vous de voir. Il conduit, nous dit-on, des ateliers d’écriture. Le temps est aux écrivains d’ateliers. Ateliers d’écrivains, comme jadis les peintres ? Je vais m’y mettre, mais dans une vingtaine d’années, quand j’aurai un peu appris... Est-ce que je parviendrai alors, moi aussi, à être rayonnant comme le vieux Matisse et son « Platane » ?

 

La Strada n°28, novembre 2001

 

 

 

 

49.

 

 

 

Pêle-Mêle (8)

(Le courrier des lectrices. Les lecteurs-écriveurs aussi m’écrivent)

 

            Madame F.L. de Nice m’écrit et s’écrie : M.H. est un remarquable écrivain et un grand poète ! Vous n’êtes qu’un jaloux, et ne méritez même pas d’en parler ! Lisez donc « La poursuite du bonheur » ! – A ce rythme là, il n’est pas prêt, Madame, de le rattraper. De la vraie poésie, puisqu’il y a (presque) des rimes, des assonances, style vie-nuit-créateur-coeur « Et voilà, me disais-je, le visage de l’amour/ L’authentique visage. / Certains sont séduisants ; ils séduisent toujours,/ Et les autres surnagent. » Visage-surnagent, mais surtout amour-toujours ! Vous avez raison Madame, je n’en parlerai plus.

            Madame V. C. d’Antibes me dit que mes articles méritent mieux que cette composition défaillante dont je suis régulièrement la victime, que je devrais les donner à de grandes publications comme Tôle ondulée (?) Le Petit niçois (?) ou Le Basilic (?), voire même (j’en pléonasme d’émotion) le Patriote Côte d’Azur, Le Monde, ou Art Jonction. – Madame, tant de considération m’accable. Mais La Strada me convient, assuré que j’y suis de pouvoir m’y livrer sans censure ou autocensure à tous mes délires textuels, n’y étant jamais qu’un des moins délirants collaborateurs. (J’ai bien écrit « délires textuels », avec des T, et n’ajoutez pas de S initial intempestif, S.V.P.)

            Mademoiselle Marie-Céline, de St. Etienne, me demande : que pensez-vous de Frédéric Beigbeder qui ressemble me semble-t-il à M.H. ? Qu’est-ce que ça vaut ? – Ressemble, oui ; mais il est intelligent, utilise le pouvoir de la publicité, écrit efficace et parfois drôle, et il le sait. Pas un « grand livre » mais son succès est plus qu’un effet de mode : il globalise les symptômes d’une époque, et en restera au moins significatif. Je ne suis pas juge, mais je dirais que ça vaut 99 F neuf, et à vue de nez 33, 33 F d’occasion. Quant à supposer que tous ceux qui écrivent pensent (que pensez-vous, me dit-elle), vous êtes utopiste, autant que moi, qui devrais être, m’affirme à lire ce que j’écris une autre dame, « utopiste et Verseau ascendant Vierge. » Je vais consulter mon avocat, car franchement, je n’en sais rien de rien. Et c’est grave ?  Docteur ?

            Beaucoup de lectrices m’écrivent. Et un seul homme, mais en écriveur, pas en lecteur. (D’où le titre, courrier des lectrices) Monsieur P.C. de Bordeaux s’étonne : Je vous ai envoyé mon livre, avec une dédicace, vous n’en avez pas parlé. Vous ne l’avez donc pas lu ? –  Je l’ai lu, mais nous ne sommes probablement Pas Compatibles. Et il m’arrive d’être gentil.

            J’en étais ici de mon papier quand La Strada a reçu d’un anonyme Jean-Marie L. de Bretagne un mot demandant qui est le « jeune con » qui écrit les Pêle-Mêle. Pour jeune, merci beaucoup. Quant aux conneries, j’en dis sans doute, «comme vous et moi » disait mon oncle.

            Une madame H.A. du Florval, à Nice, me signale qu’on ne traduit pas les noms propres : Amnesty International, pas amnistie. C’est le frappeur sur le clavier qui a cru bien faire : pour une fois qu’il corrigeait... Allez, on l’amnistie ?

            Et puis une autre lettre arrive, un journaliste qui m’engueule paraît-il. Pas encore parvenue chez moi. Comme quoi faut jamais titrer ses écrits avant de les avoir terminés : j’ai aussi des lecteurs. N’empêche, je préfère : « Courrier des lectrices ». Suite au prochain numéro ?

La Strada n°28, novembre 2001

 

 

 

 

50.

 

Pêle-Mêle (9)

Que j’ai aussi au moins un lecteur :

S.P. de Vence contre Bourdieu et Lacan

 

            J’avais dit que je n’en parlerais plus. Mais « Un acteur des médias culturels locaux » écrit à La Strada, à propos de « l’article ridicule » intitulé « J’entends... Où est le bec ? », « ramassis de bêtises et de contre vérités », « débile » etc.  Ce monsieur S.P. prend la mouche de ce que je profite de l’écrasante mondiale influence de La Strada pour m’attaquer à M.H. qui n’a bénéficié que du faible soutien du Monde, du Nouvel Observateur, du Figaro, de l’Express etc.. Vous pouvez citer au hasard dans tout l’éventail. Me fait dire ce que je n’ai jamais écrit (procédé un peu stal. années cinquante, non ?) : Dostoïevski ? Bourdieu ? Noms absents dans cet article. A-t-il seulement lu ce texte ? Car où, sinon dans ses cauchemars, a-t-il vu aussi que « il (Alocco) dit détester tout ce qui se fait de mieux de nos jours comme Marie Darrieussecq ou Christine Angot » ? Détester ? J’écris d’elles avoir « fait des réserves sur leurs livres plus que lisibles » et de Ch. Angot (n°24) : « ça ne manque pas de tripes, l’écriture accroche » et « va peut-être finir par avoir vraiment du talent ». Elles étaient parmi mes invitées, avec A. Nothomb, F. Laurent, C. Millet, et (ce qui serait selon ce monsieur, le plus abominable) « un journaliste de Nice Matin », à boire à l’occasion un verre de Bellet ou de St. Jeannet (allongé, avec modération, d’un doigt d’humour). Je suis, moi, œcuménique au point d’inviter non pas un mais deux journalistes de Nice Matin, ce qui le rend furieux semble-t-il. Quelle aurait été son ire si j’avais écrit à l’une de ces dames : « Va, je ne te hais point » ? On ne peut guère détester Angot et Darrieussecq, elles sont tout au plus agaçantes, mais S.P fait fort qui parvient à mépriser deux des pensées les plus originales des cinquante années écoulées. « Lacan ou Bourdieu, j’ai rarement rien lu d’aussi imbuvable et horriblement prétentieux » dit-il. (Le « rarement rien » est savoureux) Merci, en les évoquant à mon propos, de m’assimiler à ces penseurs. Je ne me vante pas d’avoir tout compris ni tout approuvé de leurs écrits, mais j’avoue les avoir lus, et en avoir beaucoup appris. Beaucoup appris aussi de ceux qui, dans la première moitié du siècle dernier, avaient le courage de payer cher d’écrire sur divers sujets qui sont devenus aujourd’hui petits scandales de publicitaires à exciter les ventes : Sur divers terrains, André Gide, Oscar Wilde, Henry Miller, et d’autres ; Anaïs Nim, Colette (de Willy), des que j’oublie. Et Pauline Réage et Violette Leduc, et Albertine Sarrazin, et, là je suis limite ringard, Georges Bernanos, Albert Camus, etc, et même Jules Renard qui en sortait de bien bonnes, à ne pas se faire que des amis... tous avec un certain humour, vous remarquez ? Et j’oubliais la Beauvoir, tiens, quoiqu’elle ait socio-philosophiquement empaqueté son discours seulement une dizaine d’années avant que nos élus « prennent acte de l’évolution des mœurs ». Un certain panache quand même.

            Quant à argumenter que M.H. annonçait de façon prémonitoire un attentat intégriste, S.P. n’a évidemment pas lu les journaux cette dernière décennie ? Avions explosés en vol, métro de Paris, bombes dans les rues, contre les T.G.V... (et je passe sur toute la littérature science-fiction ou fantastique du XX° siècle). Ce n’est pas de la prévision, monsieur, c’est de l’Histoire. Prenez garde que, à être le détenteur de la Vérité et à faire de votre idole un prophète, vous n’aboutissiez à créer la vraie religion la plus con du monde. Passons sur les allusions (fondées sur quoi ?) à mon idéologie. Je me contente d’être citoyen d’une société qui a la chance d’être encore tant bien que mal parmi les plus démocratiques. (Cf. W. Churchill). On m’a enseigné en sa républicaine école laïque à toujours considérer un adversaire comme une personne respectable, intelligente et honnête. Essayez, c’est pas tous les jours facile ! Je crois que Mmes Darrieussecq et Angot et même M.H. sont de taille à se défendre sans le secours d’un S.P. (de Vence). Christine A. est, elle, assez maso pour écrire et pour apprécier l’humour, l’ironie, et les coups de fouets de l’écriture. J’en déduis qu’il manque seulement au très intelligent détenteur de vérité S.P. un poil d’humour... ou bien quelques siècles et une vingtaine d’années de culture ? A moins qu’il n’ait essayé, suivant la méthode agressive exploitée par son maître vénéré, de se faire un peu de publicité à nos dépens ? Raté. Si S.P. estime ses dires mériter publication, ses « médias locaux » qu’il active sauront, je n’en doute pas, accueillir son talent « bénévole ». Vont pas censurer leur «acteur », quand même ? Voltaire aurait dit : « Je déteste vos idées, mais je suis prêt à mourir pour votre droit de les exprimer ».

La Strada n°29 décembre 2001

 

 

 

51.

Pêle-Mêle (10)

(J’entends... mais je vois aussi. Que c’est dur d’écrire :

encore Angot, G. Durand, mais Ph. Chartron)

 

            Début du Pêle-Mêle (7) inconscient de son émotion de train des pignes qui croise le T.G.V « Je » écrivait : « je reçoit » (sic). Je, c’est moi. Mais Je n’est pas le sujet, dit la psychanalyse. Et à se prendre au mot... Oui, encore Lacan de Freud. Noblesse de particule. Jamais insignifiant, l’écriture. « Je est un autre » a dit... un autre. On s’y perd un peu. Mais on, c’est qui ?

            J’ai vu Christine Angot chez Guillaume Durand. J’ai aimé son sourire à dents tordues devant les numéros de Nabe et Matzneff. Ils ne sentaient pas, ou sont-ils d’un cynisme aveuglant, le ridicule de se dire rejetés et marginalisés bien que publiés par une des grosses machines à livres, et alors qu’ils apparaissent pour trente minutes au moins et pour la ixième fois sur une grosse chaîne de télé... Sa façon à Ch. A, l’air de rien, de se démarquer. De dire (je résume) qu’accepter-obligée l’écriture, c’est accepter de recevoir les retours, ce qui advient. Elle leur aurait bien dit, me semble-t-il, elle connaît le jeu, « arrêtez votre cinoche ! » – mais la solitude, c’est terrible. Mieux vaut la compagnie de deux loups pas assez renards, que d’être seule. Mais était seule. (Là, je lis dans son crâne comme on lit dans le marc de café... Marge d’erreur 50% ?).

            Voici des gens qui parlent de la littérature comme étant d’abord de l’esthétique. Soit. Mais l’esthétique est ce qui donne davantage de sens. Et si un écrivain soutient des saloperies (par exemple, pour ne pas trop actualiser, l’antisémitisme des nazis) il en est d’autant plus responsable de ses dires, et donc condamnable, qu’il est davantage maître de son écriture, plus responsable qu’un jounaleux bavard d’une feuille de choux à tirage dérisoire.

            Soyons plus léger. R.L. de la Némaïda de l’Abadie, me dit de « Autocar » de Ph. Chartron (Ed. L’Amourier) que j’ai eu du mal à lire : « Je l’ai aimé ». Pourquoi ce passé ? Vous avez bien le droit chère amie d’aimer là où je reste perplexe. Je ne parviens pas à pénétrer ce texte ; et j’en suis gauche, soit, mais pluriel. (Marge d’erreur 50%). G. Bertolino lui aussi écrit qu’il l’a aimé. Alors ? L’amour, c’est la différence. Vingt siècles que J.C. de Bethléem essaie d’unifier dans l’amour sans beaucoup avancer. Encore un utopiste. Mais, né le 25 décembre, ce n’est pas un verseau ascendant vierge me souffle ma lectrice spécialiste. Allez, comme disait en sortant de scène mon oncle (quand il était chanteur rock) : « Public, je vous aime ». Sauf que moi, quand je peux dire « Je t’aime », je préfère. Joyeux Noël quand même. Et continuons...

La Strada n°29 décembre 2001

 

 

 

 

     

c